2011-05-20 - 20 mai 2011 - Romain - Humour noir

Séance d'écriture animée par Romain.

Romain nous a lu quelques textes tirés de l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton. Le premier était étrangler l'étranger de Marcel Duchamp. Je ne me souviens plus de ses indications, mais je réalise que ce titre m'a influencé.

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Pour le second texte, j'ai suivi les indications de Jé'-la-plume :

musicien de rock qui se transforme en albatros
forêt tropicale
à 15h35 d'après un pigeon qui passait par là
le pigeon est marié à une française, blonde
il fait un concert avec un lion (chanteur) et des dendrobates pour les choeurs
chaman dans sa tribu
chante pour apporter la chance aux esprits des morts
le chant du chaman est perturbé par le concert de rock
l'interférence provoque la résurrection d'un tyrannosaure
le tyrannosaure dévore un arbre (il est végétarien)
le chaman parle au tyrannosaure, sort son peyotl qui fait voyager,
tout le monde en prend et se retrouve à New-York.

Ou plutôt, le tout début de ses indications...

Jonathan Lividstone sortit en sursaut de sa rêverie et s'aperçut qu'il survolait un lieu inconnu. N'ayant jamais vu d'arbres de sa vie, il prit tout d'abord l'étendue des cimes pour une zone de hauts-fonds envahie par les algues, mais il finit par apercevoir une clairière, réalisa qu'il s'agisait de la terre ferme et put observer de près quelques uns des plus grands végétaux terrestres.
La Musique qui l'avait attiré jusqu'ici reprit, toute proche. Jonathan s'avança dans sa direction, titubant sur ses jambes... Ses jambes ?! Jonathan regarda ses pattes : elles étaient devenues beaucoup plus épaisses et longues, et se terminaient par deux espèces de galets marron avec un brin d'algue au milieu. D'ailleurs, tout son corps était transformé : déplumées, ses ailes était maintenant deux appendices sombres, durs et minces, terminés par des coquilles mobiles et plus clairs. Il les approcha de ses yeux et, emporté par le mouvement, les posa sur sa figure. Drôle de sensation.
En travers de son torse lui aussi dépourvu de plumes, une bandoulière s'agitait à chaque fois qu'il se tournait brusquement. Ôter la guitare de son dos lui demanda pas mal d'efforts et de contorsions. Il parvint finalement à empoigner l'instrument. Quand il relâchait les cordes, cela produisait un son qui ressemblait à la Musique. Il promena ses doigts sur les cordes, timidement d'abord, puis avec de plus en plus d'ardeur...
- Hé, salut !
L'arrivée d'un pigeon attiré par la Musique le ramena à la réalité. Enfin, un pigeon... ou autre chose. Déjà, c'était plus un homme qu'un pigeon : un gros type en anorak, écharpe et bonnet, dont on se demande ce qu'il foutait là.
- Je cherche ma femme, tu l'aurais pas vue ? Une française, blonde, on s'est perdus de vue en montagne il y a... six heures et quelques, puisque là il est 15h35.

Ce texte de Lizz a été écrit sur les suggestions de Laure:






A No-Hope-City, le 92 juin 1992, à 19h92 (heure où la ville s’endort) le docteur Kronenbourg Smith, de son état gastro-entérologue du roi, s’arrête devant le 92 Garbage Park. Il enjambe les détritus, débris de tableaux de maître, chèques croissantés, déchirés et soigneusement signés, éclats d’éléphants emprisonnés derrière des barreaux de verre soufflé, éclats des barreaux de la prison…



Les éclats de verre soufflé ouvrent les veines du docteur Kronenbourg Smith. Pour achever cet ouvrage avec précision, le docteur les scie avec les éclats de barreaux. De rire il éclate en regardant couler le sang écarlate.



C’est le jour de son anniversaire. Il a quarante-sept ans et demi. Il est heureux à l’idée du cadeau surprise que sa femme doit lui avoir préparé. La femme du docteur Kronenbourg Smith est une gourde ordinaire, un peu carafe un peu girafe, piquée de taches de rousseur fadasses à force d’être claires. Elle collectionne les chats en verre soufflé.



Lorsque madame Kronenbourg Smith voit son mari dont le sang dégouline dans la pipe -le docteur aime tirer de sa pipe des bouffées de fumée rouge- elle se dit : « Verre soufflé pour verre soufflé, c’est une bonne chose qu’il s’agisse de barreaux plutôt que de mes chats, si heureux dans leur prison argentée au 92 Garbage Park. » Ses chats sont noirs et portent malheur. Elle savait que cela pourrait lui être utile pour machiner un complot contre son cher époux le docteur, le jour de son quarante-septième anniversaire et demi.



Le docteur Kronenbourg Smith regarde sa femme amoureusement en tirant sur sa pipe. La pipe, c’est mauvais pour le foie. La vésicule biliaire du docteur Smith est cloquée en divers endroits. Le jour de son quarante-septième anniversaire et demi, elle éclate comme une clochette des bois. Sa femme l’ajoute immédiatement à la collection d’éléments digestifs élaborée par le docteur au cours de sa brillante carrière de gastro-entérologue du roi.



Puis elle s’écrie : « Joyeux anniversaire, mon Kronenbourg chéri ! » Elle offre à son mari l’un de ses chats noirs en verre soufflé après avoir murmuré quelque malédictions soigneusement choisies dans des livres de félinologie satanique. Le docteur est déçu car, songe-t-il, sa femme a tout simplement pioché dans sa collection de chats au lieu de lui concocter un cadeau compliqué. Il n’est pas au courant des malédictions. Il ne peut pas savoir qu’elles sont compliquées.



Cette histoire se termine par la mort du docteur Kronenbourg Smith.

- Comment es-tu morte ?

- En tombant d’un arbre fou.

- N’es-tu pas plutôt une folle tombée d’un arbre mort ?

- La folie n’existe pas dans la tombe.

- Est-ce à dire que la mort guérit la folie ?

- Non, c’est dire que la folie est morte.

- Et ton arbre, est-il tombé ?

- On est tombés ensemble. Chute dans l’amour.

- Chut ! L’amour meurt !

- En mourant, l’amour fait beaucoup de bruit.

- Oui, ça paraît fou le vacarme de l’amour mourant. Puisqu’il ne veut pas se taire, je le couvrirai de ma voix.

- Tu n’as pas d’autre voix que la voix de ton maître.
- J’ai pour maîtres la mort et la folie. Je tue l’amour et me marre.

- Est-ce toi qui as tué mon arbre ?

- Non, c’est ton arbre qui t’a tuée. Quant à moi, je suis déjà mort.

- Comment es-tu mort ?