Correspondance - Adrien'

Je revois, émergeant d'un passé lointain, les courriers échangés avec un amour de vacances. Ce jeune homme romantique que je n'ai pas su aimer au-delà d'un terminal d'aéroport, dont je n'ai pas même gardé les poèmes, mon cœur devine aujourd'hui que mon insouciance d'alors lui fut dure. Je m'adresse à celui qu'il était, et que je n'ai pas oublié.

Je t'ai écrit, tu reçois ma lettre : tu vois par la fenêtre le facteur qui remonte sur sa lourde bicyclette, tu descends et la boîte te livre une enveloppe de papier fantaisie. Tu l'emportes chez toi, tu prends le temps de te débarrasser, de t'installer. Tu prends sur toi d'ignorer ton nom écorché, un n ou deux, je ne sais jamais, je me trompe toujours, avant de l'ouvrir enfin. Tu contiens ta déception en découvrant un seul feuillet, vite lu. Toi qui m'écris si longuement, c'est tout ce que j'ai à te dire ? Et puis tu réponds, aussitôt. Cette lettre-là au moins tu pourras l'appeler une réponse, les trois suivantes non. Les jours passés sans moi, comment tiendraient-ils sur une seule page ? Ta plume court, déliée, fiévreuse même. Tu t'interromps pour me relire. Quelle tiédeur ! Tu ne veux pas y penser, tu t'accroches aux mots tendres, à ces petits cœurs dont je sème les nombreux espaces blancs. Bientôt tu n'y tiendras plus, tu insisteras dans tes lettres pour que nous nous écrivions plus régulièrement. Tu le fais déjà, toi. Ton cœur captif souffre de la distance, de toute cette distance. Le mien, bat-il seulement ? Le mien te paraît si léger. Bientôt il s'envolera, loin, ailleurs. En cet instant où tout cela est déjà écrit, que pourrais-je t'écrire ?