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Message  Feurnard Sam 28 Fév 2009 - 22:29

Tous les horaires avaient été changés ce matin. Lucien était venu de lui-même voir le personnel retirer des cadres les larges planches remplies de noms et de nombres, où se trouvait encore la dernière destination. À présent celle-ci n'existait plus : les trains n'allaient plus aussi loin. Le roulement autrefois fréquent abandonnait les multiples voies, livrées à un silence de trains comme à un silence de passagers.
À l'heure de pointe, personne n'attendait.
Lucien était revenu pour la montée des étoiles, quand la colline avait voilé déjà les derniers rayons du soleil. Les chaînes de réverbères scellaient la gare de leurs fers. Quand ils s'allumèrent, sous l'un d'eux il s'adossait, à l'extrémité du quai, le regard perdu plus loin que le point de fuite des rails.
Voilà trois jours que le convoi tardait.
Sur la voie de maintenance, déjà paralysé dans ce décor qui prenait possession de lui, se mourait lentement le dernier. Le train ne partait pas mais revenait, et ce jour-là la gare sifflait, soufflait, crissait sous les freins. S'il ne s'agissait pas de foule, au moins, il y avait quelqu'un. Le convoi était revenu vidé, dans l'état même où il reposait à présent. Voilà trois jours, il ne devait faire que passer et les gens étaient venus sur le quai pour le voir, comme autrefois on venait admirer les cuirassés.
Mais alors que le convoi quittait la gare, quand ses voitures blindées s'éloignaient, et Lucien et les gens autour de lui virent les feux changer. Une flamme mourut dans leurs coeurs, à tous, y compris pour Lucien qui s'il venait encore dans cette gare, y venait les mains vides, le coeur creux et le mal à l'estomac. Le convoi s'était immobilisé sous ses yeux, puis le personnel s'était accumulé et ils avaient rangé les voitures d'acier sur cette voie à l'écart, parmi la rouille et les hautes herbes. Il n'y en aurait pas d'autre.
L'abandon serait, pour ce convoi, sinon un résident du moins son dernier passager.
Pourtant, ce jour-là et pendant deux jours encore, les quais battaient encore des semelles et des vibrations de roues sur les rails, des appels des panneaux et du personnel. Pendant deux jours, la gare résonna de pas morts. Au troisième, les panneaux changeaient, emportant avec eux la dernière destination. Les voyageurs l'avaient-ils provoqué ou ce changement provoqua-t-il leur absence, ce troisième jour la gare chuchota les rares allées de trains, dont la plupart ne s'arrêtaient pas.
Lucien aussi n'avait plus nulle part où aller.
Il n'avait jamais songé à prendre le train. Parce que la gare lui était plus étrangère qu'à tout autre, le soudain essoufflement, suivi par cette léthargie foudroyante, sans épargner personne, l'avait moins frappé. Ce lieu dévorait les masses, les emportait loin de soi tandis que descendaient des voitures les mêmes personnes devenues des étrangers.
Voilà que la machine destructrice, la séparatrice, la cause de bien des larmes, sans qu'aucun n'ait eu de prise sur son activité ou son arrêt, aussi violemment foudroyée, en épargnant tous ceux qui auparavant s'y laissaient anéantir, dans les voitures et dans la distance, à présent leur enlevait le bien plus précieux de sa présence même, de son existence ; au lieu de quoi la ruine de la gare fit écho aux ruines des coeurs, qui ne battaient plus pour rien, parce qu'ils n'avaient plus nulle part où aller battre.
Or Lucien sentait que c'était sa faute, leur faute aussi, et qu'ils n'y pouvaient rien.
Désormais, même dans la nuit noire, il donnerait cher pour voir passer un nouveau convoi, même le plus petit, même s'il revenait, pour s'assurer qu'un ailleurs existait encore et que la vie avait un sens ; aussi simplement que cela ; dans l'état de délabrement où cette fuite, cette résignation le laissait, qu'un seul convoi passe et il serait monté dedans sans hésiter.
Absurde.
Le convoi était là. Le convoi attendait, sur la voie de maintenance. Il lui aurait suffi-
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Message  Spangle Dim 1 Mar 2009 - 3:29

Voilà un beau sujet, une ambiance bien posée, mais des imprécisions de langage auxquelles tu ne [édit]m'avais pas habitué[/édit]. Temps, structures de phrases, lexique, il est trop tard pour que je le fasse ce soir mais si cela ne t'ennuie pas je relèverai les détails qui me choquent.
As-tu eu un problème avec la longueur de ton texte ? J'ai réclamé plus de latitude dans la longueur des messages à forumactif, la réponse devrait arriver bientôt. Pour le moment je n'ai pas d'autre solution à te proposer que de poster la suite dans un second message. (Je déplacerai le mien pour que le tien soit à la suite du premier.)


Dernière édition par Adrien' le Lun 2 Mar 2009 - 1:53, édité 1 fois
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Message  Feurnard Dim 1 Mar 2009 - 12:32

Habituer quelqu'un en un seul texte, j'en doute. D'habitude je prends plaisir à démolir la langue. Ce qui ne m'empêche pas d'être intéressé par ces imprécisions.

Il n'y a pas de problème de longueur.
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Message  Spangle Lun 2 Mar 2009 - 1:48

Non, tu ne m'as pas habitué en un seul texte, j'ai déjà eu l'heur de te lire à de plus nombreuses reprises, mais tu as raison : je retire le nous.
Je ne suis pas arrivé à me faire une idée assez précise de certains détails, ce qui fait que je me contredis par moments, mais je préfère te livrer cette lecture telle quelle que tout reprendre et mettre trois jours de plus à te la poster.
Ton texte me plaît, j'y entends les gémissements des rails, je vois la rouille et les herbes folles prochaines, je partage cette mélancolie qui s'exaspère presque de ne pouvoir empêcher la ruine annoncée.
Pourtant je suis comme à mon habitude d'une horrible sécheresse dans mes remarques ; j'en suis désolé mais je ne parviens pas (pas encore !) à faire autrement.
Feurnard a écrit:Tous les horaires avaient été changés ce matin. Lucien était venu de lui-même voir le personnel retirer des cadres les larges planches remplies de noms et de nombres, où se trouvait encore la dernière destination. À présent celle-ci n'existait plus : les trains n'allaient plus aussi loin.
On devine que la dernière destination est cette gare, mais cela reste flou, notamment à cause du plus aussi loin, qui suggère loin du lieu de l'action, donc un terminus au-delà de cette gare. Si elle n'est plus desservie, à quoi bon afficher les nouveaux horaires ?
Feurnard a écrit:À l'heure de pointe, personne n'attendait.
L'heure qui était l'heure de pointe ne l'est plus si il n'y a personne. Je comprends l'intention d'oxymore mais en lisant À l'heure de pointe, on ne s'attend pas à voir du monde, on en est assuré.
Feurnard a écrit:Quand ils s'allumèrent, sous l'un d'eux il s'adossait
Ici je ne vois pas ce que cherche à faire ce faux accord de temps.
Feurnard a écrit:Voilà trois jours que le convoi tardait.
Sur la voie de maintenance, déjà paralysé dans ce décor qui prenait possession de lui, se mourait lentement le dernier.
Le silence qui suit achève ce dernier (convoi ?) qui n'est pas même nommé, finalement c'est très bien ainsi même si c'est déstabilisant pour le lecteur.
Feurnard a écrit:Le train ne partait pas mais revenait, et ce jour-là la gare sifflait, soufflait, crissait sous les freins. S'il ne s'agissait pas de foule, au moins, il y avait quelqu'un.
Quelqu'un d'autre que Lucien et le personnel ? Mais si ce quelqu'un descend du train, il n'est pas revenu vidé.
Feurnard a écrit:Le convoi était revenu vidé, dans l'état même où il reposait à présent. Voilà trois jours, il ne devait faire que passer et les gens étaient venus sur le quai pour le voir, comme autrefois on venait admirer les cuirassés.
C'est une autre arrivée que ci-dessus, puisque la première se situe ce jour-là, celui de l'action, et que la seconde a eu lieu voilà trois jours. L'usage du même temps et la précision temporelle tardive crée une confusion ; la gare est mourante mais son dernier ? semble se diffuser sur plusieurs jours, perdant en acuité voire en crédibilité.
Il ne devait faire que passer et s'est arrêté ici, mais sans savoir pourquoi difficile d'imaginer comment : le chef de gare a-t-il hélé le conducteur, lui ordonnant d'arrêter ? Les voies sont-elles impraticables ? Y avait-il des passagers, qui sont repartis sans avoir pu prendre le train ? Pourquoi des spectateurs ?
Feurnard a écrit:Mais alors que le convoi quittait la gare, quand ses voitures blindées s'éloignaient, et Lucien et les gens autour de lui virent les feux changer.
et Lucien et les gens : cette insistance signifie pour moi que les gens auraient pu ne pas les voir, et Lucien si, et que l'inverse était également possible. Est-ce parce que Lucien, plus concerné, pouvait regarder les feux plus intensément que les autres gens, ou au contraire avoir la vue brouillée ? Je m'égare en suppositions oiseuses.
Feurnard a écrit:Une flamme mourut dans leurs coeurs, à tous, y compris pour Lucien qui s'il venait encore dans cette gare, y venait les mains vides, le coeur creux et le mal à l'estomac.
Le à tous en incise m'a d'abord choqué, leurs cœurs suppose déjà à tous. Mais je réalise que l'effet produit est une très subtile évocation de la foule, un fantôme de foule.
Lucien venait les mains vides, par opposition à des outils de travail, si il a travaillé ici, ou à une valise ?
La seconde utilisation de cœur est très anatomique, couplée avec estomac, et jure avec ce premier cœur contenant une flamme.
Feurnard a écrit:Le convoi s'était immobilisé sous ses yeux, puis le personnel s'était accumulé et ils avaient rangé les voitures d'acier sur cette voie à l'écart, parmi la rouille et les hautes herbes. Il n'y en aurait pas d'autre.
L'abandon serait, pour ce convoi, sinon un résident du moins son dernier passager.
Si le personnel s'était agglutiné, il y aurait perdu toute dignité mais serait resté humain. En s'accumulant il devient objet, ce qui est surprenant mais surtout gêne l'usage que tu as de leurs sentiments.
Feurnard a écrit:Lucien aussi n'avait plus nulle part où aller.
Lucien non plus ?
Feurnard a écrit:Il n'avait jamais songé à prendre le train. Parce que la gare lui était plus étrangère qu'à tout autre, le soudain essoufflement, suivi par cette léthargie foudroyante, sans épargner personne, l'avait moins frappé. Ce lieu dévorait les masses, les emportait loin de soi tandis que descendaient des voitures les mêmes personnes devenues des étrangers.
les emportait loin de soi : les emportait au loin ?
L'association des deux termes léthargie foudroyante et la reprise de foudroyée ensuite ne me semblent pas très heureuses.
Feurnard a écrit:Voilà que la machine destructrice, [...] à présent leur enlevait le bien plus précieux de sa présence même
La phrase est difficile à lire à cause de bien plus qui peut se lire beaucoup plus.
Feurnard a écrit:Il lui aurait suffi-
Le texte s'interrompt-il sur ce tiret parce que Lucien cesse d'exister ? Il faudrait quelques indices supplémentaires, à moins que je ne les aie pas vus.
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Message  Feurnard Lun 2 Mar 2009 - 15:40

Je vois, effectivement, beaucoup d'imprécisions de ma part.
Pour "il s'adossait", "le dernier" et "bien plus précieux", ce sont des reliquats de mon habitude passée de démolir la langue.
Je corrigerai si j'en ai le loisir : à part perdre le lecteur, ça n'apporte rien de concret.

Mais en général ce sont donc plutôt des problèmes sémantiques, avec des conséquences sur la compréhension du texte.
Je ne peux donc pas me défendre de "l'heure de pointe", "accumulé", "aussi", "leurs coeurs" ou encore "léthargie foudroyante".
Et je trouve que Lucien ne trouve pas sa place dans ce texte.

Le texte laisse entendre que la "dernière destination" est cette gare. C'est ma faute. Dans ma tête, la "dernière destination" est la mort et dans le monde qui sert cette allégorie, il s'agit du front.
J'ai trop cherché à rester vague, évasif, au lieu d'ancrer mieux ma vision de la gare et cette dernière destination. Il m'aurait fallu décrire plus pour me comprendre.
À propos de la gare encore, le "loin de soi" aurait pu être résolu en la décrivant mieux. Son rôle est moins de transporter les gens d'un point A au point B que de séparer les gens. C'est le point de vue de Lucien qui est exprimé et en plus de décrire la gare, j'aurais dû décrire Lucien.

Je ne défendrai que très mal "quelqu'un" :
Quand je parle des gens, je parle d'une quantité. Quand je parle de "quelqu'un", c'est une qualité. Cela le texte ne le dit pas et c'est une erreur de ma part. Dans ce texte, quelqu'un est quelqu'un qui attend pour prendre le train.

Quant à la diffusion (involontaire) de l'arrivée du dernier convoi, c'est ma plus grave erreur car le phénomène à décrire est essentiel. J'ai voulu le décrire par "léthargie foudroyante". À bien y penser, j'aurais dû imager par l'arrêt du train lui-même :
D'un coup le train freine, si violemment qu'il faudrait imaginer ses voitures passant au-dessus de la locomotive. On pourrait croire alors le train arrêté : il n'en est rien. Entraîné par son inertie, il continue de freiner dans le vide.
Je ne voulais pas donner de cause à ce phénomène.

Le tiret à la fin... je ne saurais pas l'expliquer. Je voulais écrire "il lui aurait suffi de le prendre" et ça m'a paru tellement faux, et je n'ai simplement pas trouvé ce qu'il lui suffirait de faire, qu'au final je me suis interdit de conclure.
Le texte, si sa valeur justifiait de l'achever, serait à achever par un autre que son auteur.
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Message  Spangle Lun 2 Mar 2009 - 17:00

Mais non ! Ne te décourage pas, il suffira de quelques changements, de quelques indices pour faire apparaître l'arrière-plan que je n'avais pas saisi mais qui affleure pourtant, qui est même présent dans le titre.
Ce tiret par exemple, qu'il signifie monter dans le train pour toi et disparaitre pour moi, c'est la même idée, elle est déjà dans le texte.
La notion de [quelqu'un / des gens] est très liée à l'acte de prendre ce train, je pense à la scène de Hair où les soldats montent dans l'avion, Berger clamant : That's me !
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Message  Feurnard Lun 2 Mar 2009 - 18:59

"Quelques changements", c'est passer de la peinture sur une coque rouillée. Je suis bien plus exigeant envers moi-même qu'envers les autres et j'ai bien trop envie de m'améliorer pour me trouver des excuses.
Je veux vraiment pouvoir un jour me faire comprendre. Si je calcule bien, neuf ans que j'essaie.

On a assez parlé de ce texte. Je le corrigerai si je le corrige. En attendant, il y en aura d'autres et je ferai mieux, sans doute, si vous continuez à écrire.


Dernière édition par Feurnard le Lun 2 Mar 2009 - 19:09, édité 1 fois (Raison : Neuf, pas douze.)
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Message  cobeae Ven 6 Mar 2009 - 23:16

Je n'ai pas encore posté de réponses à tes écrits -bien que je les lise-, jeune Feurnard.

J'envoie celle-ci ,qui en l'occurrence n'en est pas une, ou très peu, pour te souhaiter un bon anniversaire.

Tu dis vouloir te faire comprendre depuis neuf ans... J'aurais voulu lire ou entendre les commentaires du petit Feurnard, qui à l'époque n'avait qu'un prénom, autre, et peut-être un ou deux surnoms.

J'apprécie la continuité et l'opiniâtreté, surtout lorsque cela est intrinsèque.

Toi qui me parais dans ce forum disons... ne t'intéresser qu'à la forme surtout et très critique de surcroit, parfois de manière glaçante, opératoire et pas toujours à propos (je pense au poème de l'Oxidée, j'y reviendrai, concernant la musicalité des mots), j'arrive en te lisant à poser mes pieds déjà et une partie de moi dans ton monde établi.

Mais ensuite j'ai l'impression d'être là puis de flotter, tout s'évapore et se re-concrétise, se réassure dans la réalité de tes écrits puis se brouille de nouveau.
Donc j'attends de voir tes prochains textes, pour voir si d'entité, je pourrai m'y construire une peau, et rester un peu plus sur place pour m'immerger. J'aime les transports et leurs gares,dans quelque monde que ce soit.

Encore bon anniversaire, Feurnard.

cobeae

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