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2011-08-05 - 5 août 2011 - Les rebelles - Paul Emploi

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Message  Paul Emploi Jeu 11 Aoû 2011 - 20:32

Reprise du thème prévu pour une séance antérieure qui a été annulée. J'ai lu un extrait de Rebelles ! de Pino Cacucci (sur Quico, Francisco Sabaté, l'anarchiste inventeur d'un mortier lance-tracts à bombarder les franquistes).


Dernière édition par Paul Emploi le Sam 27 Aoû 2011 - 12:45, édité 1 fois

Paul Emploi

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2011-08-05 - 5 août 2011 - Les rebelles - Paul Emploi Empty Coefficient de révolte d'un organe inaliéné

Message  Paul Emploi Jeu 11 Aoû 2011 - 20:38

C'était inscrit sur mon agenda depuis une semaine. J'avais rendez-vous avec ma conseillère. Une journée à marquer au fer rouge. J'ai pris le bus, équipé de mon dossier qui contenait un CV actualisé et les pièces attestant de ma recherche d'emploi.

Pendant le trajet, j'ai rêvé que j'étais un oiseau. Je volais haut, très haut et je buvais des bières (exclusivement de la kronenbourg) en survolant l'océan. Quel pied !!

Terminus. Je descends. Quelques enjambées seulement me séparent de mon rendez-vous.

Je pénètre dans l'église capitaliste. Un peu partout, on fait brûler des cierges en l'honneur du Dieu travail. Je ferais bien brûler un cierge moi aussi, mais c'est presque l'heure de mon rendez-vous. Moi aussi je cherche une terre d'asile. Je ferais bien brûler un cierge pour trouver un patron, un saint patron qui accepte de me laisser suer 35 heures par semaine.
J'attends mon tour. Mon nom siffle quelque part, comme une balle perdue. Je suis rentré dans un bureau qui ressemblait étrangement à un aquarium. Nager comme un poisson dans l'eau. Je ne sais pas pourquoi, cette phrase m'a traversé l'esprit. La conseillère m'a fait asseoir. J'ai obtempéré. Elle a consulté mon dossier et a commencé à me poser des questions. J'ai choisi cet instant pour extirper de ma poche un exemplaire des Lettres à un jeune poète. Je l'ai ouvert comme on ouvre une huître pour laisser sortir une perle. J'ai commencé à lire, le passage sur le travail, sur le mirage du travail, sur les déchirures, les blessures, les éventrations, les égorgements de vie, les effeuillages de créateurs, les mirages du Dieu travail. Il a raison, Rilke, travail manuel ou intellectuel, sueur de peau ou foutre de cervelle, il est toujours question d'une chirurgie méticuleuse, médicalo-fasciste, d'une chirurgie vampire pour prélever du sang, beaucoup de sang, un impôt de sang sur la créativité et le coefficient de révolte d'un organisme inaliéné. Elle ne savait pas, Paule Emploi, ma conseillère, qu'obsédé par la philosophie du travail et le travail de la philosophie, j'éprouvais une fascination quasi hypnotique pour le mouvement des travailleurs qui faisaient brûler des cierges en l'honneur du Dieu travail et du capitalisme. J'ai dit à la conseillère : « pas un ne vous couperait le cou comme on l'a fait jadis à la douce Marie-Antoinette, mais s'il leur en prenait l'envie, ce serait pour prendre votre travail ». J'ai enchaîné avec une dernière lecture, un dernier vomissement d'un organe de poète gorgé d'alcool et d'électricité. Rilke se détourne d'une scène qu'il ne comprend pas. Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Pourquoi participer à un jeu dont les règles nous sont étrangères. Comme un enfant, ne pas s'intéresser à une vie fossile. Revendiquer un droit à l'incompréhension, plutôt que lutter et s'intéresser à ce qui ne vaudrait pas même une larme. Oublier un peu et regarder l'eau qui dérive lentement comme un courant électrique, comme ce même courant électrique madame la conseillère qui remonte en aval de vos veines et en amont des miennes, j'ai dit : « madame la conseillère, je veux m'intéresser au courant de vos veines, je veux m'intéresser, madame la conseillère, aux étoiles qui se brisent dans le ciel nu et à la pluie qui dessine des cibles dans l'eau pour que les enfants puissent s'amuser un peu ».
Ma conseillère s'agitait. J'aimais particulièrement le mélange des mots, les siens et les miens : création, poésie, beauté, CV, emploi, lettre, radier, règlement, poésie, règlement, radier...
Je ne peux traduire avec des phrases la simultanéité de nos bouches respectives qui se mêlaient amoureusement en un baiser verbal.
Création, poésie, beauté, CV, emploi, lettre, radier, règlement, poésie, règlement, radier...
Quand j'en ai eu assez, je suis parti avec mon bouquin dans la poche, un peu comme un talisman contre les mauvais sorts d'une société cachot.
Création, poésie, beauté, CV, emploi, lettre, radier, règlement, poésie, règlement, radier...
Au retour, tournant mon visage vers le soleil, frôlé par des passants presque translucides, je ne cessais de me répéter avec soulagement, la politique n'est pas dans les urnes ou dans les bureaux de vote, mais au creux de ma poche, au creux de ma vie, au creux de mes mains.
Dans rebelle, il y a re et belle, un éternel recommencement de la beauté, ça me va comme définition. Ça me va vraiment.

Paul Emploi

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